Et si la transition écologique nécessitait (paradoxalement) moins de normes ?

Face au changement climatique, les populations exposées à différents aléas sont de plus en plus nombreuses (inondations, glissement de terrains, sécheresse…). Outre la question centrale du financement des mesures d’adaptation, la récurrence de plus en plus fréquente de ces catastrophes climatiques pose deux séries de difficultés nouvelles.

 

Premièrement, le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles se trouve menacé, au point qu’une étude sur l’assurabilité des risques climatiques a été commandée par le Gouvernement, dont la publication est très attendue. En 2023, les catastrophes climatiques en France ont coûté 6,5 milliards d’euros aux assureurs selon France Assureurs. Pendant les années 2000 à 2008, la moyenne était à 2,7 milliards d’euros par an puis, entre 2010 et 2019, à 3,7 milliards d’euros. Ces quatre dernières années, le coût de la prise en charge a augmenté à 6 milliards d’euros en moyenne. Le Gouvernement a ainsi annoncé à la fin de l’année dernière le relèvement de la surprime du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles – dit Cat Nat – de 12 % à 20 % à partir de 2025 pour tous les assurés.

Deuxièmement, le cadre technique et réglementaire actuel est devenu un frein à l’action en matière d’adaptation, car face aux contraintes toujours plus importantes en matière environnementale, de nombreux décideurs publics se résignent à l’inaction.

Paradoxalement, une simplification du cadre règlementaire permettrait de mieux protéger, dès maintenant, les populations exposées aux aléas climatiques et de faciliter l’adaptation des territoires.

 

Terres excavées : un gisement de matière sous-exploité pour les travaux d’adaptation.

C’est le cas de la réglementation relative à la valorisation des terres excavées (terres issues du creusement des sols). De nombreux travaux d’adaptation nécessitent le recours à des quantités importantes de remblais que ces terres excédentaires devraient permettre de couvrir tout ou en partie : rehaussement ou construction des digues et barrages, renforcement et équipements limitant l’érosion des côtes, renaturation des cours d’eau, aménagements de parcs urbain, îlots de fraicheur urbains…)

La réalité est beaucoup plus complexe ! Les terres excavées ne peuvent être réemployées que de manière limitée sur le chantier. Dès qu’elles sortent du chantier, elles prennent le statut de déchet et sont prioritairement envoyées vers des installations de stockage, leur valorisation nécessitant une démarche complexe à respecter, renchérissant leur cout de gestion.

Cette réglementation très contraignante apparaît de fait opposée aux objectifs d’économie circulaire. A contrario, un assouplissement permettrait aux Maitres d’Ouvrages d’optimiser leurs opérations d’aménagement sur leur territoire en ayant une gestion dynamique des quantités et des besoins de matières d’un chantier à un autre, les évolutions techniques permettant, de surcroît, d’obtenir un diagnostic de pollution des terres en quelques heures.

 

Travaux de dragage : une nécessité pour limiter les risques d’inondation.

Le deuxième exemple de frein réglementaire à l’adaptation climatique est la gestion des sédiments issus de dragage. Ces opérations sont pourtant indispensables pour limiter les risques d’inondation.

Pour mémoire, 18 Millions de personnes sont exposées en France au risque d’inondation des cours d’eau. Ce risque est sensiblement aggravé par l’absence d’entretien des voies d’eaux.

En effet, ces opérations sont coûteuses et difficiles à mettre en œuvre. L’entretien des voies de navigation et des ports génère annuellement 50 millions de mètres cubes de sédiments. Depuis 2008, puis avec l’entrée en vigueur de la loi économie bleue, les modalités de gestion des sédiments de dragage se sont complexifiées (seuil de pollution imposant un traitement à terre, statut de déchets), renchérissant le coût des procédures de traitement de 20 à 120 euros le m3 et accroissant les besoins en stockage.

Cette situation de complexité et de surcoût provoque l’inaction des maîtres d’ouvrage, traduite entraînant un excès de sédiments dans les canaux qui entrave la navigation et l’écoulement fluide de l’eau. Dans le Département du Pas-de-Calais et du Nord, la gestion des eaux est primordiale pour contribuer efficacement à la lutte contre les inondations. En effet, des canaux, rivières et bassins correctement et régulièrement entretenus permettraient d’éviter la majorité des crues liées à de fortes précipitations.

 

Réutilisation des eaux non-conventionnelles : un besoin d’accélérer face au stress hydrique.

Deux milliards de m3 d’eau manqueront en 2050 si la demande reste stable, soit près de la moitié des 4 milliards de m3 d’eau consommés annuellement. Alors que les épisodes de stress hydriques se multiplient, la réutilisation des eaux non-conventionnelle s’impose comme une solution indispensable dans une logique de refonte du modèle actuel de gestion de l’eau. Malgré un objectif de réutilisation de 10 % en 2030 annoncé par le Président de la République en personne, seul 1% des eaux non conventionnelles sont aujourd’hui réutilisées, faisant de la France un pays à la traîne malgré les enjeux environnementaux (limitation de l’exploitation des ressources naturelles, amélioration de la qualité des eaux usées rejetés) et économiques (maintien de l’activité industrielle en cas de sécheresse, maintien d’un cadre de vie agréable).

Ce faible développement s’explique par la complexité du cadre réglementaire, les délais des demandes, ainsi que la liste des usages autorisés encore restreinte (arrosage mais aussi lavage des voiries, usages…)